La piqûre, l’aiguille, le vaccin… Les Canadiens se retroussent les manches pour se faire vacciner contre le virus de la COVID-19. Quand mon tour est venu, j’étais heureux de prendre la voiture pour me rendre au centre de vaccination, de faire la file et de sentir la piqûre (imperceptible) de l’aiguille dans le bras. J’ai même monté un palmarès des chansons sur les vaccins pour passer le temps pendant que j’attendais. (Ces palmarès me font vraiment du bien.) Le titre « Hit Me With Your Best Shot », de Pat Benatar, trônait au sommet de la liste.
Hormis ma fascination naturelle pour le rôle de la science dans le perfectionnement fulgurant des vaccins mis au point pour enrayer cette maladie mortelle, il y a une raison pour laquelle je rédige cette chronique, en tant que scientifique de la sauvagine et des milieux humides. Cette raison, c’est le canard de mer. C’est bien vrai. Si vous n’arrivez pas à faire le lien, lisez ce qui suit. C’est plutôt génial.
Le vaccin permet d’espérer qu’à un moment donné dans un avenir rapproché, nous serons protégés en nombre suffisant contre le virus de la COVID-19 pour en ralentir la transmission dans la population humaine mondiale. C’est ce qu’on appelle l’immunité collective.
Que viennent faire les canards de mer dans tout ça? Jetons un coup d’œil plus au nord pour établir des parallèles intéressants avec notre propre crise pandémique.
En janvier 2021, un groupe de chercheurs qui se consacre à la sauvagine a publié dans Scientific Reports un article intitulé Herd immunity drives the epidemic fadeout of avian cholera in Arctic‑nesting seabirds (L’immunité collective vient à bout de l’épidémie de choléra aviaire chez les oiseaux de mer qui nichent dans l’Arctique). Leur recherche portait surtout sur l’eider à duvet du nord (somateria mollissima borealis), qui forme la plus grande colonie dans l’Arctique canadien, sur l’île Mitivik dans le Nunavut.
L’eider est un canard de mer très grégaire vulnérable à l’une des maladies infectieuses les plus pernicieuses et mortelles pour la sauvagine nord-américaine : le choléra aviaire. Selon les auteurs de cet article, cette maladie « se propage directement par contact entre les oiseaux, environnementalement par l’ingestion ou l’inhalation des bactéries aérosolisées dans les produits alimentaires et l’eau contaminés, et lorsque les oiseaux se nourrissent de carcasses infectées ».
À part dévorer les carcasses, avez-vous une petite idée de ce qui s’en vient?
Ce que les chercheurs ont constaté, dans le cas de la colonie de l’île Mitivik, c’est que l’immunité collective était essentielle pour enrayer le choléra aviaire et éviter qu’il détruise la population de ces canards de mer. Entre 2005 et 2012, le choléra aviaire a eu un effet dévastateur sur cette colonie, en réduisant de plus de 50 % la densité de nidification de l’eider sur l’île Mitivik. Au fil du temps toutefois, les taux de mortalité ont plongé pour passer de 36 % parmi les femelles eiders à duvet reproductrices à presque zéro en 2012. Pourquoi? La colonie a atteint l’immunité collective quand les oiseaux ont développé des anticorps, comparables à ceux que développent les humains par exposition naturelle, ou plus rapidement grâce à la réaction immunitaire plus forte à la vaccination.
Hormis les parallèles frappants entre l’épidémiologie humaine et l’écologie de la population des canards, je crois que cette étude peut nous encourager pour plusieurs raisons. Premièrement, les canards ont pu s’adapter à un effet de courbe absolument mortel. Deuxièmement, il existe un lien avec Canards Illimités Canada. L’un des auteurs de l’étude, Jane Harms, a déjà été titulaire d’une bourse de recherche de l’Institut de recherche sur les terres humides et la sauvagine, ce qui lui a permis de mener ce projet de recherche. Les investissements dans la science des milieux humides et de la sauvagine, grâce à des bourses comme celles que nous offrons et à la Chaire dotée de CIC à l’Université de la Saskatchewan, continuent de se révéler, de mille et une façons, pertinents pour les Canadiens. Ils sont porteurs d’espoir.
Ainsi, quand viendra votre tour de vous faire vacciner par un professionnel de la santé, retroussez votre manche et pensez à la colonie d’eiders, qui se reproduit aujourd’hui dans la sérénité de l’Arctique canadien après avoir atteint l’immunité collective.
Vive le vaccin!
Portez-vous bien.
Dave
David Howerter est chef de la conservation de CIC. Sa chronique, L’idée géniale du Dr Dave, paraît dans chaque numéro du magazine Conservationniste, où il explore l’intersection de la science de la sauvagine et des zones humides avec les événements actuels.