Vous n’avez jamais vu de près une libellule anax précoce? C’est génial. Son thorax vert émeraude et son abdomen bleu sont éclatants à côté de ses ailes irisées et chatoyantes. C’est stupéfiant de réaliser que cette créature et sa progéniture ont effectué une migration de plus de 1 400 kilomètres entre le Canada et le golfe du Mexique. Aujourd’hui, nous devons tous être attentifs et attentives aux périls qui menacent sa survie.
Vous êtes tout pardonné(e) si la libellule ne vous vient pas tout de suite à l’esprit quand il s’agit de penser aux espèces migratrices. Au Canada, les captivants spectacles saisonniers de la sauvagine, des oiseaux chanteurs et des papillons monopolisent presque toute notre attention. Or, les libellules arpentent le monde depuis plus de 300 millions d’années, avant même l’ère des dinosaures. Elles sont très sensibles aux changements dans l’environnement et leur bien-être est un indicateur important de l’état de santé global des écosystèmes des milieux humides, là où elles vivent et se reproduisent.
Ainsi, quand l’Union internationale pour la conservation de la nature a annoncé que 16 % des espèces de libellules et de demoiselles dans le monde risquent aujourd’hui l’extinction, c’est une sonnette d’alarme qui a retenti. Le message, qui évoque la dégradation généralisée des milieux humides comme cause première des déclins de population de libellules, est parfaitement clair : la dégradation de la biodiversité se poursuivra si nous ne faisons pas plus pour protéger les milieux humides.
La raison est simple. Les milieux humides assurent l’habitat de 40 % des espèces fauniques du monde, ce qui est exceptionnel. Ce qui nuit à l’un nuit aussi à l’autre, ce qui augmente le risque des « extinctions en cascade », dans lesquelles le déclin d’une espèce initiale produit un effet de domino et entraîne d’autres extinctions. Puisque dans le monde entier, les rythmes de dégradation de la biodiversité atteignent des niveaux sans précédent depuis la dernière extinction massive, nous avons de bonnes raisons de prêter attention à l’avertissement que nous lancent les libellules.
Qu’en est-il pour le Canada? Si la plupart des espèces de libellules du Canada — comme notre familière anax précoce — ne sont pas menacées au moment d’écrire ces lignes, nous aurions tort de croire qu’il n’y a aucun motif d’inquiétude. En fait, on constate une indifférence générale à propos de l’état des milieux humides du Canada, ce qui accroît la nécessité d’intervenir d’urgence.
Dans un pays qui réunit le quart des milieux humides qui restent dans le monde, il est extrêmement préoccupant de ne pas avoir d’inventaire ni de système de surveillance complet des milieux humides. Sans ce volet essentiel de la planification environnementale et de la technologie, le Canada pourrait perdre des milieux humides plus rapidement qu’il les répertorie. Pour l’heure, les estimations les plus prudentes laissent entendre que nous pourrions perdre chaque jour 32,37 hectares de milieux humides — l’équivalent de 45 terrains de soccer toutes les 24 heures.
Il est facile de constater que nous avons une occasion inouïe — et une responsabilité exceptionnelle — de nous pencher sur la dégradation de la biodiversité en conservant et en restaurant les milieux humides. Je suis extrêmement fier des progrès que Canards Illimités Canada accomplit, puisque plus de 2,6 millions d’hectares et 11 800 projets d’habitat lui sont confiés. Chacun de ces hectares et de ces projets énergise la biodiversité en assurant l’habitat de plus de 500 espèces fauniques, dont 97 espèces en péril.
Pourtant, il y a beaucoup plus de travail à faire.
Canards Illimités Canada a lancé une campagne spéciale, sous l’appellation Projet Libellule, qui met en lumière la nécessité de conserver et de restaurer les milieux humides partout au Canada afin de promouvoir la biodiversité. Que ce soient les libellules, les canards, les rats musqués ou les orignaux, les oiseaux chanteurs ou le saumon qui sont au cœur de vos préoccupations, la sauvegarde des milieux humides est notre meilleur rempart contre la dégradation de la biodiversité.
J’ai donc aujourd’hui une question importante à poser à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes : Nous aiderez-vous?