« Aptelomultinewey. Aptelomultinewey. »
Le chant commence lentement en prenant de l’ampleur quand les canots glissent sur l’eau et que les rames fendent la surface calme de la Wolastoq (la rivière Saint‑Jean) au Nouveau-Brunswick. Les berges de la Wolastoq sont ponctuées de différents milieux humides, dont des marais d’eau douce, des marécages et des bogs, ce qui en fait l’une des zones les plus importantes dans la province pour la faune et un secteur prioritaire pour CIC.
« Aptelomultinewey. Aptelomultinewey. »
À chaque coup de rame, Cecelia Brooks scande le wolastoq et le passamaquoddy, qui veut dire « riz », en prononçant chacune des syllabes pour que le rythme porte l’avancée des canots sur le cours d’eau.
Pour Cecelia Brooks, ce chant est un moyen de saluer la nouvelle saison de récolte du riz sauvage et de cimenter la tradition par une chanson. « Nous entonnons ce chant, et c’est tout naturel. Nous espérons que dans cette nouvelle année, quand nous recommencerons à récolter le riz, nous pourrons y ajouter des mots. Souvent, dans notre culture, les mots décrivent l’action. Je me dis donc qu’on pourrait ajouter que nous allons récolter le riz en penchant les tiges chargées dans une barque et en les secouant. »

Une aube nouvelle pour la tradition de la récolte du riz
Le riz mûrit tard en été, et son mûrissement se déroule souvent par étapes. Traditionnellement, les Wolastoqiyik qui mènent la récolte reviennent au même endroit, en repassant des dizaines de fois dans le même bosquet de tiges lorsque les grains mûrissent. Ils penchent les tiges doucement au-dessus de la barque en les secouant pour détacher les grains, qui tombent dans la barque et qu’ils ramassent ensuite. Dans son partenariat avec CIC, Cecelia Brooks, Grand-mère des eaux du Canadian Rivers Institute, tenait à pérenniser ces méthodes de récolte.
« C’est la seule plante que l’on peut effectivement récolter et semer en même temps. Lorsque nous faisons tomber les grains de riz dans le canot, ils essaiment partout. Et c’est très bien. Rien ne se perd. Ce sera autant de riz pour l’an prochain », explique Cecelia Brooks.
C’est en octobre 2020 que s’est déroulée la première récolte annuelle du riz sauvage. Samantha Brewster, spécialiste de l’éducation de CIC, a travaillé en collaboration avec Cecelia Brooks, de Wabanaki Tree Spirit Tours & Events, pour mener un groupe de participants. Cecelia Brooks, son fils Anthony Bardwell et son amie Lisa Perley-Dutcher ont fait la démonstration des moyens grâce auxquels leurs ancêtres récoltaient le riz, pratique qui a été limitée pendant des dizaines d’années par les restrictions foncières. Aujourd’hui, ils font renaître la tradition, qu’ils enrichissent d’un chant cérémoniel et qu’ils transmettent à la communauté.
It felt almost like nostalgia. Here we were doing something of the past. It’s something old and almost forgotten about. And here we were bringing it back to life.

La récolte dans le cadre des programmes d’éducation menés par les Autochtones
Samantha Brewster travaille en collaboration avec Cecelia Brooks depuis quelques années pour réaliser des programmes d’éducation menés par des Autochtones, par exemple un camp d’été pour les jeunes, ce qui a donné lieu à cette récolte traditionnelle du riz sauvage.
Elle nous apprend que la collaboration et le partenariat ont permis et permettent de produire un impact plus retentissant en reprenant le principe directeur de l’Etuaptmumk (ou la double perspective).
« Les organismes qui mènent leurs activités sur le territoire ont la responsabilité de se concerter avec les peuples autochtones, affirme Samantha Brewster. Je m’en remets vraiment à Cecelia pour nous aider à réaliser le contenu et pour nous assurer qu’elle participe de très près… Cet effort fait partie de la culture de la communauté et de ce qu’elle fait, ainsi que de son mode de vie. Nous leurs sommes très reconnaissants de nous permettre de travailler en collaboration avec eux. »

Communier avec le territoire et avec la nature
Samantha Brewster planifie déjà cette année la prochaine récolte de riz sur les berges de la Wolastoq. Les marais de ces milieux humides attirent de nombreuses espèces, dont des canards, des grèbes et des carouges à épaulettes. Le bosquet dense de tiges de riz constitue un habitat idéal pour la sauvagine, et le riz qui reste sur les canisses ou qui tombe dans l’eau pendant la récolte devient une précieuse source d’alimentation, pendant la migration, pour beaucoup de ces espèces. Rien n’est perdu, et pour Cecelia Brooks, la leçon et le temps passé sur l’eau sont autant d’occasions de réfléchir à son rôle dans la nature.
« J’ai eu presque l’impression d’être nostalgique. Nous avons renoué avec une tradition du passé. Il s’agit d’une activité ancienne et presque oubliée. Nous lui avons redonné vie, explique Cecelia Brooks. Quand nous communions avec le territoire en récoltant ce qu’il produit, nous pouvons l’apprécier encore plus. »


VIDEO: La récolte du riz sauvage sur les berges de la Wolastoq
Participez avec nous à cet enrichissant parcours dans la récolte du riz sauvage dans un milieu humide sur les berges de la Wolastoq.
La récolte du riz sauvage 2020