Maurice Jean se souvient que chaque année à l’automne, la famille allait cueillir des canneberges dans un marais salé vierge de la Péninsule acadienne au Nouveau‑Brunswick. Certaines années, le marais regorgeait de petits fruits rouges, et d’autres fois, il n’y en avait tout simplement pas; mais chaque année, la famille faisait cette randonnée pour constater l’état des lieux.
Il y a plus de 50 ans, Bernard et Corinne, les parents de Maurice Jean, ont acheté le terrain non loin de Village-des-Poirier pour sa beauté. Durant l’été, les herbes vertes et jaunes du marais ondoyaient au gré de la brise contre l’océan azur, devant l’épaisse forêt. D’innombrables fleurs sauvages jaillissaient du sol, et les oiseaux de mer emplissaient le ciel. Bernard Jean tenait à ce que la communauté en profite. Il rêvait du jour où la troupe locale de scouts camperait ici ou du jour où une troupe de théâtre donnerait des spectacles durant l’été. Quelle que soit la vocation ultime de ce terrain, Bernard Jean avait une certitude : il allait le protéger et le donner pour la conservation. «Ce terrain», nous confie Maurice, «était appelé à être préservé, et non à être fractionné. »
En 2020, Corinne est décédée et a laissé à ses six enfants en héritage plus de 30 hectares de marais salés et de terres hautes du littoral. En se rappelant que leurs parents adoraient le lieu, ils ont décidé de donner ce marais à Canards illimités Canada (CIC). C’était le désir de leur père que ce terrain soit protégé pour que les prochaines générations puissent en profiter. Grâce au financement offert par le gouvernement du Canada dans le cadre du Programme de conservation du patrimoine naturel, qui fait partie du Fonds de la nature du Canada, CIC a acheté 71 hectares supplémentaires de marais salés et de terres hautes, ce qui donne encore plus d’importance au don de la famille Jean pour la conservation du littoral.
Ils valent leur pesant d’or : les marais salés protègent les communautés côtières
Depuis les années 1700, plus de 65 % des marais salés du Nouveau‑Brunswick ont cédé la place à l’aménagement du littoral. Cette statistique est alarmante : en plus d’être des habitats importants pour la faune, dont les oiseaux migrateurs et les crustacés marins comme les jeunes homards, ces écosystèmes de plus en plus rares sont des éléments essentiels de l’infrastructure naturelle dans le combat mené contre les effets du changement climatique.
La hausse des températures partout dans le monde fait fondre les glaciers et la glace des mers, ce qui fait gonfler les eaux des océans de la Terre; le problème est exacerbé par le lent affaissement des provinces de l’Atlantique après la dernière période glaciaire. Dans les provinces de l’Atlantique, on s’attend à ce que les niveaux de la mer augmentent d’un mètre d’ici 2100, ce qui rendra vulnérables de nombreuses communautés côtières aux fortes tempêtes et aux inondations. C’est ici qu’interviennent les marais salés.
Le sable et le sol — apportés par les hautes mers et déposés par les marées — s’installent entre les racines et les tiges des herbes des marais salés sur le littoral pour former une fortification contre les vagues. Ces écosystèmes, dont font partie les habitats nouvellement conservés non loin du Village-des-Poirier, peuvent constituer un rempart entre les communautés côtières et l’océan de plus en plus imprévisible. Or, il devient aujourd’hui plus évident qu’il ne suffit pas de restaurer et de conserver les marais salés — comme le fait CIC depuis plus de 15 ans. Nous devons aussi conserver les terrains qui les entourent.
C’est la raison pour laquelle le don de la famille de Maurice Jean et les autres terrains achetés ont tant d’importance : le terrain situé derrière le marais ne sera jamais aménagé; ainsi, cet écosystème majestueux, divers et dynamique pourra évoluer, changer et se développer, en fortifiant le littoral contre la hausse du niveau de la mer. La communauté profitera encore pendant des générations de l’abondance des fleurs sauvages et de la faune qui a amené Bernard Jean à acheter la propriété il y a tant d’années — comme l’ont toujours voulu sa famille et lui.

Vous pouvez nous aider à alléger la pression
CIC et ses partenaires dans la conservation continuent de conserver et de restaurer les marais salés grâce aux terrains auxiliaires non aménagés partout dans les provinces de l’Atlantique, afin de les protéger contre la pression côtière. Nous invitons les propriétaires fonciers intéressés à vendre ou à donner des habitats côtiers non aménagés à communiquer avec nous par courriel (donplanifie@canards.ca) ou par téléphone (1 877 477-8077, sans frais).