« Quand je ferme les yeux, je peux l’imaginer dans son fauteuil vert du séjour, les lunettes de lecture sur le nez, en train de nous regarder jouer », se rappelle Chad Courville. Le petit-fils de Johnny Lynch, pionnier de la conservation de la sauvagine, se rappelle que son grand-père était « toujours vraiment attentif, en prenant la peine de se faire une idée de l’ensemble de la situation », se souvient-il, depuis sa maison de Lafayette, dans la Louisiane.
Ses souvenirs d’enfance lui donnent un indice sur genre d’homme qu’était Johnny Lynch : ses collègues le tenaient en haute estime pour son approche clairvoyante dans la conservation de la sauvagine.
Ses opinions anticonformistes en faisaient aussi quelqu’un de populaire, selon la fille de Johnny Lynch et la mère de Chad Courville, Mary Lynch Courville.
« Quand nous étions enfants, nous ne savions jamais qui frappait à notre porte : des étudiants, des biologistes et d’autres fervents de la conservation s’arrêtaient continuellement chez nous, et la plupart séjournaient même sous notre toit, nous apprend-elle. Les étudiants montaient des tentes dans notre cour-jardin durant l’été et mon père leur donnait des cours sur différents sujets. »
Johnny Lynch est né en 1914 à Rhode Island, au moment même où les Nord-Américains commençaient à être très attentifs à la gestion de la sauvagine. Passionné de la conservation, il s’est penché sur de nouveaux moyens de recenser, de surveiller et de préserver la faune, surtout la sauvagine. Dans les années 1930, il a recensé, sur la côte de l’Atlantique, les régions qui pourraient devenir des refuges fauniques. Ces régions sont encore aujourd’hui les pièces maîtresses du réseau des territoires préservés aux États-Unis.
En 1937, alors qu’il était au service du Fish and Wildlife Service des États-Unis, Johnny Lynch s’est installé dans le sud de la Louisiane. Il a été le pionnier des manipulations du niveau de l’eau pour accroître la productivité et la diversité des marais côtiers. Il a fait la promotion de la consommation durable des ressources dans ces marais, de concert avec les entreprises pétrogazières, les trappeurs, les propriétaires fonciers, les refuges et les entreprises de pêche.
En plus d’être pilote, Johnny Lynch a joué un rôle indispensable dans la conception du Relevé des populations reproductrices et des habitats de la sauvagine nord américaine, qui est toujours aujourd’hui un outil de gestion essentiel. Il a aussi mis au point des méthodes de nidification en captivité des grues blanches, ce qui a sauvé de l’extinction quasi certaine cette espèce menacée.
Très pragmatique, Johnny Lynch était aussi un auteur insolent et provocant, qui savait remettre en question le statu quo, tout en proposant des solutions ingénieuses et progressives. Son essai bien connu, Escape from Mediocrity (1951), est un compte rendu irrévérencieux et humoristique de la gestion de la sauvagine.
Trente-cinq ans après sa disparition, en 1983, son patrimoine est toujours présent aux yeux de bien des gens. « La passion de mon père pour la sauvagine, les grues et les autres espèces fauniques fait toujours partie des souvenirs de ma famille aujourd’hui », confie Mary Lynch Courville.

Le site du Projet Johnny Lynch
Sa passion inspire aussi des professionnels de la conservation comme Pat Kehoe, directeur international des partenariats de la conservation de Canards Illimités. M. Kehoe est le fier propriétaire de l’une des premières cartes de transects aériens de Johnny Lynch, que lui a donnée la famille Courville après qu’il l’ait emmenée sur le territoire qu’arpentait Johnny Lynch pour mener ses relevés aériens des Prairies canadiennes.
« Johnny verrait qu’aujourd’hui, ce paysage a beaucoup changé », lance Pat Kehoe, en faisant remarquer que la plupart des terrains sont aujourd’hui fractionnés et drainés pour l’agriculture.
Il y a une exception : le Devil’s Knob. Cette colline, entourée de vastes superficies de pâturage intact, se trouve dans les collines Allan de la Saskatchewan. C’est l’une des régions les plus fécondes du continent pour les canards nicheurs et une escale pour les oiseaux migrateurs comme la grue blanche et la grue du Canada. CIC s’est porté acquéreur, en 2014, du site de Devil’s Knob, qui s’étend sur 259 hectares.
Ce sera désormais le site du Projet Johnny Lynch, qui sera consacré à sa mémoire au printemps 2019. Ce projet est un volet essentiel de la nouvelle Société de conservation Johnny Lynch, initiative lancée en juillet 2018 à l’occasion du Congrès de Ducks Unlimited dans l’État de la Louisiane. Dans le cadre de cette initiative, les membres versent un don d’au moins 10 000 $ pour permettre de sécuriser l’habitat plus critique des canards dans les collines Allan. Chaque dollar levé grâce à la Société est multiplié par quatre dans le cadre de la North American Wetlands Conservation Act et grâce aux organismes canadiens qui versent des dons complémentaires.
CIC encadrera aussi le Prix du patrimoine Johnny Lynch, qui vise à souligner la contribution des biologistes et des gestionnaires de la sauvagine qui, comme M. Lynch, ont apporté un concours exceptionnel aux efforts de conservation partout en Amérique du Nord.
« Comme l’a constaté Johnny il y a bien des années, les populations de sauvagine sont appelées à s’accroître et à régresser à cause des précipitations; or, l’habitat doit rester intact pour la viabilité à long terme des populations de sauvagine, explique Pat Kehoe. Il s’agit d’une occasion exceptionnelle de promouvoir la conservation de l’habitat essentiel de la sauvagine et de la faune en Saskatchewan, ce qui a des répercussions sur tout le continent. »
Et pour les Courville, il s’agit d’un juste tribut d’hommage à un membre bien aimé de la famille et à un pionnier de la conservation.
« C’est très gratifiant de savoir qu’il aura la place qui lui revient dans l’histoire et qu’on se souviendra de lui pour ses réalisations », conclut Chad Courville.
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