L’avenir des poissons

Dans le Canada atlantique, les travaux de restauration des milieux humides menés par CIC comprennent souvent l’installation de structures de contrôle de l’eau afin de réguler les niveaux hydriques. Lorsque ces structures risquent de constituer des obstacles pour les poissons, CIC construit également des passes migratoires. L’organisme gère ou cogère actuellement plus de 150 passes à poissons dans la région, ce qui facilite l’accès des poissons à leur habitat en amont. Ainsi, CIC est devenu une référence en matière d’évaluation de leur efficacité. Sa compréhension fine de la façon dont les poissons se déplacent à travers ces structures a permis d’en améliorer la conception et la gestion.

Certaines espèces indigènes, comme l’anguille d’Amérique, le saumon de l’Atlantique, le gaspareau et l’éperlan arc-en-ciel, dépendent à la fois d’habitats d’eau douce et d’eau salée pour accomplir leur cycle de vie. Il est donc essentiel de renforcer la connectivité des rivières grâce aux passes à poissons. Lorsqu’ils migrent de l’océan vers l’eau douce, ces poissons apportent des nutriments d’origine marine dans leur corps, leurs œufs, leur sperme et/ou leurs excréments. Ces nutriments importés améliorent les milieux humides d’eau douce en alimentant les réseaux alimentaires, en augmentant la croissance des bactéries, des plantes, des invertébrés et, bien sûr, des canards.

Le marais de Missaquash est un projet exemplaire. Situé sur l’isthme de Chignecto, la plaine qui relie le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, ce vaste milieu humide abrite une biodiversité exceptionnelle qui soutient de nombreuses activités humaines, notamment la navigation de plaisance, la pêche à la ligne, le piégeage, la chasse et l’observation des oiseaux. On y trouve également des pêcheries commerciales. Depuis 2013, le personnel et les partenaires de CIC procèdent au marquage et au suivi du gaspareau dans les rivières de l’isthme de Chignecto. Avec plus de 14 000 individus marqués, les données recueillies servent toujours à évaluer les structures de contrôle de l’eau et leur impact sur le passage des poissons, tout en fournissant des informations précieuses sur la migration du gaspareau, son espérance de vie, son comportement alimentaire et la dynamique de ses populations.

Cette recherche ne concerne pas seulement les poissons : les connaissances acquises ont été, et continuent d’être, mises à profit pour améliorer les structures de contrôle de l’eau, renforcer la connectivité fluviale et favoriser la circulation des nutriments dans les milieux humides d’eau douce du Canada atlantique.

Projet d’atténuation à l’île Howe

Il y a beaucoup de poissons dans la mer, ou, dans ce cas-ci, dans le marais de la baie Johnson, sur l’île Howe… grâce à un projet d’habitat du poisson mené par CIC.

Lorsque le ministère des Transports de l’Ontario a communiqué avec Mike Williams, directeur de Conservation PRO (la branche professionnelle de CIC spécialisée dans les services environnementaux), au sujet d’un projet visant à compenser les impacts sur l’habitat du poisson découlant des travaux d’amélioration des gares maritimes de l’île Wolfe, celui-ci a relevé le défi et s’est aussitôt mis à la recherche d’un site adéquat pour appuyer le projet. CIC a pu acquérir une vaste propriété non aménagée sur l’île Howe, à l’est de Kingston, là où le lac Ontario rejoint le fleuve Saint-Laurent. C’est ainsi que tous les éléments se sont alignés pour donner lieu à l’un des plus grands projets Conservation PRO de CIC en Ontario.

Grâce à Conservation PRO, CIC propose une approche clé en main pour les projets de restauration d’habitats exigés dans le cadre des autorisations de développement. L’organisation prend tout en charge : recherche du site, conception, négociation des approbations, obtention des permis, mise en œuvre et suivi.

Mike Williams et son équipe ont bonifié le milieu humide en aménageant une série de bassins et de canaux interconnectés afin de le rendre plus accueillant pour les poissons. C’est ensuite que la partie la plus passionnante du projet a commencé : en mesurer le succès. Pour assurer l’objectivité et bénéficier d’une expertise externe, CIC s’est associée à Quinte Conservation pour effectuer le suivi.

Les résultats ont dépassé les attentes. Dès la première année de suivi, 13 espèces de poissons indigènes ont été observées dans l’habitat, dont le brochet vermiculé, une espèce désignée comme préoccupante, dépassant ainsi l’exigence du ministère des Pêches et des Océans, qui fixait le seuil à cinq espèces indigènes.

Au cours de la deuxième année, 11 espèces ont été recensées, dont deux nouvelles (le crapet de roche et le chat-fou brun) qui n’avaient pas été observées l’année précédente. Le crapet-soleil, la barbotte brune, le crapet arlequin et la perchaude ont également été repérés, avec une augmentation notable du méné d’or. L’achigan à grande bouche et le grand brochet étaient eux aussi présents. Le personnel de CIC a par ailleurs observé des tortues mouchetées se prélassant dans les nouveaux canaux et constaté l’apparition de riz sauvage, une plante qui contribuera à nourrir une grande diversité d’oiseaux de marais. Après trois ans, le total atteignait 1 130 poissons appartenant à 16 espèces différentes. CIC a détecté des individus de tous les stades de vie, des jeunes de l’année aux adultes, signe que le nouvel habitat est pleinement fonctionnel.

Lorsqu’une activité humaine altère nos écosystèmes, ces milieux naturels essentiels à la biodiversité et à la résilience climatique, il est crucial de compenser ces impacts de manière à laisser le paysage en meilleur état qu’avant. Un effort de restauration bien planifié peut ainsi offrir des bénéfices durables, tant pour la faune que pour les milieux naturels.

Élimination des carpes dans un milieu humide côtier

La carpe commune est un poisson d’eau douce envahissant, reconnu pour ses habitudes alimentaires et de frai destructrices. Dans les milieux humides, elle remue les sédiments, ce qui réduit la clarté de l’eau et endommage la végétation submergée, une source essentielle de nourriture pour les oiseaux d’eau migrateurs à l’automne.

La présence de la carpe commune, conjuguée à d’autres facteurs, a contribué à la dégradation du marais Delta, au Manitoba, un vaste marais côtier d’eau douce d’une grande valeur écologique et culturelle.

En 2009, CIC a lancé une étude à long terme, en collaboration avec de nombreux partenaires et intervenants, afin de limiter l’accès des grandes carpes communes au marais Delta. L’objectif était de rétablir les conditions historiques du milieu humide, semblables à celles des années 1970, pour favoriser la migration automnale de la sauvagine.

CIC et ses partenaires ont cherché à déterminer si des structures d’exclusion pouvaient empêcher les grosses carpes d’entrer dans le marais sans nuire aux poissons indigènes. Le projet a consisté à construire des digues et à installer des dispositifs d’exclusion dans quatre canaux reliant le marais au lac Manitoba. Trois ponceaux existants ont également été modifiés à l’aide de grilles à barreaux.

Ces structures, construites durant l’hiver 2012-2013, demeurent en place toute l’année. Chaque printemps, des grilles à barreaux sont insérées pour bloquer les grandes carpes lors de leur migration et de leur période de frai, puis retirées à la mi-été, une fois le frai terminé. Les poissons indigènes, comme le grand brochet et le doré jaune, migrent généralement plus tôt et peuvent donc franchir les structures avant l’installation des grilles. Un programme de suivi de l’habitat et des populations de poissons s’est poursuivi jusqu’en 2018.

Les résultats parlent d’eux-mêmes : en l’absence des grosses carpes qui remuaient les sédiments, la clarté de l’eau s’est nettement améliorée, et la superficie occupée par la végétation submergée a doublé au cours des six années de suivi.

Le retour d’un habitat aquatique sain a entraîné une forte résurgence des oiseaux aquatiques migrant à l’automne. La densité des canards plongeurs a augmenté de 339 % et celle des canards barboteurs de près de 400 % par rapport aux niveaux antérieurs à l’exclusion dans les années 2000.

Les conclusions de cette étude, publiées en 2024, offrent de précieuses indications aux gestionnaires d’habitats du monde entier qui s’efforcent de contrôler les carpes envahissantes et de restaurer des écosystèmes aquatiques sains. L’étude a été si fructueuse que l’utilisation des structures d’exclusion a été rendue opérationnelle à long terme, la province du Manitoba supervisant leur utilisation continue.

Restauration d’un habitat pour le saumon

L’estuaire du fleuve Fraser, en Colombie-Britannique, abrite chaque année des centaines de millions de jeunes saumons du Pacifique en migration, qui dépendent de ces écosystèmes intertidaux pour effectuer leur transition vers l’océan. Avec la baie Boundary, il constitue également la plus importante zone d’hivernage pour la sauvagine au Canada.

En plus de jouer un rôle essentiel dans l’économie de la C.-B. et dans le mode de vie des peuples autochtones, le saumon quinnat du fleuve Fraser représente la principale proie des orques résidentes du sud, une espèce menacée d’extinction.

Des études scientifiques ont montré que l’endiguement et le dragage du fleuve ont profondément modifié la façon dont il répartit naturellement les sédiments dans l’estuaire. Or, ces sédiments sont essentiels : ils permettent à l’estuaire de croître verticalement et de s’adapter à l’élévation du niveau de la mer, laquelle menace à la fois les écosystèmes et les communautés riveraines.

CIC dirige la mise en œuvre du projet pilote d’amélioration des sédiments du banc Sturgeon, qui vise à restaurer l’habitat des poissons dans les marais intertidaux et à renforcer la résilience de ces milieux face à la montée des eaux. Le banc Sturgeon a perdu plus de 160 hectares de marais intertidaux depuis les années 1980. Le rétablissement de l’apport en sédiments est donc crucial, non seulement pour le marais lui-même, mais aussi pour tout ce qu’il soutient : le saumon du Pacifique, les oiseaux migrateurs, le stockage du carbone et la protection contre les inondations pour les communautés avoisinantes.

Les équipes de terrain réutilisent les sédiments dragués dans le fleuve Fraser et, à l’aide d’un grand tuyau, les redistribuent dans des zones stratégiques du rivage. Le jeu naturel des vagues, des vents et des marées disperse ensuite ces sédiments sur l’ensemble de l’estran. L’objectif est de restaurer les précieux marais à marée, véritables habitats du saumon sauvage du Pacifique et d’une grande diversité d’espèces aquatiques et terrestres.

Ce projet pilote offre une occasion unique de tester et d’évaluer une approche locale et adaptée pour contrer la disparition à grande échelle des marais intertidaux. CIC et ses partenaires espèrent appliquer les enseignements tirés de cette initiative à d’autres secteurs du delta du Fraser, ainsi qu’à d’autres estuaires de la C.-B.