La célébration de nos 85 ans de conservation cette année doit inclure quelques minutes de réflexion. Dans 15 ans, nous serons en 2038 et Canards Illimités Canada (CIC) aura 100 ans
d’existence.


L’AVENIR DE LA NATURE
L’honorable Steven Guilbeault
Ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada
L’histoire nous prouve que le progrès est possible. En 1969, à cause de la pollution, des incendies se sont déclarés à la surface du lac Érié. Les gouvernements ont agi et aujourd’hui, les Grands Lacs sont plus propres qu’ils ne l’ont été en 50 ans. En 1987, le protocole de Montréal a ciblé les produits chimiques qui affaiblissent la couche d’ozone. Aujourd’hui, l’ozone de la Terre est en train de guérir, réduisant les risques de cancer de la peau et autres maladies. En 2007, le gouvernement de l’Ontario a commencé à éliminer progressivement l’électricité produite à partir du charbon. Aujourd’hui, les journées de smog de l’Ontario sont du passé, réduisant les cas d’asthme infantile et d’autres maladies.
Ne vous souciez pas des détracteurs, car les actions comptent. En décembre 2022, le Canada a eu l’initiative d’accueillir à Montréal la COP15, la plus grande conférence sur la biodiversité de l’histoire. Nous avons contribué à rallier le monde entier à l’objectif de protéger 30 % des terres et des eaux d’ici 2030. Notre gouvernement a lancé la plus grande campagne de conservation de l’histoire du Canada pour atteindre l’objectif «30 x 30» dans notre pays, de sorte qu’en 2038, nous aurons un Canada plus sain et plus durable. Canards Illimités Canada est un partenaire essentiel. Ensemble, nous pouvons y arriver.

FUTURE OF WATER
John W. Pomeroy
Chaire de recherche du Canada en ressources hydriques et en changement climatique, Université de la Saskatchewan
Directeur, le programme de Global Water Futures
Choisirons-nous de protéger et de restaurer davantage de milieux humides d’ici à 2038? Je pense que les avantages d’une telle démarche deviendront encore plus évidents d’ici là et que la nécessité d’une gestion de l’eau fondée sur des données scientifiques s’accentuera tout au long du 21e siècle. Par l’étude des liens entre le système climatique mondial, l’hydrologie, les milieux humides, la qualité de l’eau, les écosystèmes, la société, l’économie, l’agriculture et la gestion de l’eau, le programme de Global Water Futures a pu se rendre compte de l’immense complexité de ces systèmes interconnectés et interdépendants, de l’impact des décisions politiques, en plus de dégager certaines tendances fortes et les conséquences qui se profilent dans un avenir proche.
Le Canada connaît des changements spectaculaires dans la dynamique des précipitations, ce qui, avec le réchauffement, aura un impact important sur nos milieux humides. Les effets du réchauffement interagiront de manière complexe, ce qui peut entraîner une augmentation ou une diminution du stockage de l’eau dans les milieux humides. Nous découvrirons que nous pouvons mieux protéger notre sécurité alimentaire et énergétique et soutenir nos écosystèmes par la conservation des milieux humides, qui préservent et restaurent le fonctionnement hydrologique de notre paysage. Dans tout le pays, le rôle des milieux humides dans la régulation des extrêmes hydrologiques, les inondations et les sécheresses deviendra encore plus important et sera probablement considéré comme un outil important de gestion de l’eau pour s’adapter aux effets des changements climatiques.


AGRICULTURE DURABLE
Fawn Jackson
Responsable du développement durable, Producteurs laitiers du Canada
J’ai grandi sur une ferme familiale à Inglis, au Manitoba. Avec mes quatre soeurs, nous avons appris sur le terrain que « les fermes produisent plus que de la nourriture ». Au-delà du boeuf et des céréales, ma famille s’occupait de la terre elle-même, ce qui incluait les prairies et les milieux humides. À Ottawa, loin de chez moi, mais jamais loin de mes racines, j’ai fait carrière dans l’exploration des politiques, des systèmes et de la recherche agricoles. En travaillant avec des personnes de tous les domaines, j’ai appris à apprécier profondément les résultats obtenus par la coopération et ceux d’une politique efficace, ainsi que les effets positifs des mesures de conservation dans les exploitations agricoles.
En 2038, je m’attends à une économie de plus en plus verte pour les fermes du Canada. Aujourd’hui, de plus en plus d’agriculteurs collaborent avec des organisations environnementales comme Canards Illimités Canada pour mettre en oeuvre des solutions fondées sur la nature qui profitent directement aux habitats sauvages. Les acteurs de l’agriculture s’unissent pour mettre en place des systèmes de production alimentaire durables et les agriculteurs sont en excellente position pour améliorer la qualité de l’eau et la biodiversité dans l’ensemble du pays. Tout en s’adaptant aux défis météorologiques et climatiques, les organisations agricoles s’efforcent d’adopter des pratiques plus durables tout en continuant à produire des aliments sains en abondance. Ces changements sont reconnus et récompensés par les consommateurs et les gouvernements de nombreux pays. Les gains économiques et environnementaux ne s’excluent pas mutuellement, et c’est pourquoi l’agriculture durable continuera d’être un bon modèle pour le Canada.


ETUAPTMUMK, LA DOUBLE PERSPECTIVE
Cecelia Brooks
Grand-mère des eaux
Les fondements mêmes de notre économie, de notre sécurité alimentaire, de notre santé et de nos moyens de subsistance ont été érodés par la manière dont l’humain a traité la terre depuis la colonisation dans le monde entier. L’instabilité climatique et la perte de biodiversité constituent le dernier chapitre des effets de la colonisation sur la terre. Pour inverser ces effets, nous devons d’abord décoloniser nos relations avec toutes les formes de vie, en honorant les connaissances des peuples autochtones qui ont été les gardiens de leurs terres depuis des temps immémoriaux.
J’espère que, d’ici 2038, CIC travaillera en partenariat étroit avec les populations autochtones sur la protection des milieux humides et autres écosystèmes. La mise en oeuvre d’Etuaptmumk, la double perspective, pour appliquer les connaissances des Premières Nations sur la gestion des terres avec les meilleurs outils issus de la méthode scientifique occidentale est un moyen positif de progresser vers la restauration. Les données scientifiques montrent que la nature est plus saine sur les terres gérées par les peuples autochtones dans de nombreux pays, y compris le Canada, et comprennent autant ou plus de biodiversité que les terres conservées de manière conventionnelle (Environmental Science & Policy Vol. 101, November 2019, pages 1-6). C’est en m’appuyant sur ces connaissances, en travaillant en partenariat avec les peuples autochtones du Canada, que j’espère que CIC pourra assurer un avenir sain à toutes nos relations, M’st No’maq.
BIODIVERSITÉ
Jim Devries
Chercheur, Institut de recherche sur les terres humides et la sauvagine
Lorsque j’ai commencé ma carrière il y a 32 ans, je voulais comprendre la valeur de nos activités de conservation pour la sauvagine. Toute autre considération n’était qu’une distraction. Mais au fur et à mesure que j’avançais dans mes recherches, et grâce à la direction visionnaire chez CIC, j’ai pris conscience de l’importance de comprendre les avantages que notre travail apporte à la société. Ayant passé des années à parcourir les milieux humides et les prairies à la recherche de canards, je savais que la riche biodiversité de ces habitats était l’un de ces avantages.
Ce n’est que lorsque nous comprenons quelque chose que nous pouvons vraiment l’apprécier – cette maxime n’est nulle part plus vraie que dans le domaine de la conservation de la biodiversité. Aujourd’hui, après des années à quantifier la valeur des programmes de CIC pour les oiseaux des prairies, les abeilles et les autres insectes utiles, la situation devient claire. Les milieux humides et les terres intactes qui leur sont associées sont essentiels au maintien de la biodiversité dans les paysages fonctionnels qui constituent l’objectif de conservation de CIC : les paysages où la biodiversité est la plus menacée.
Au moment où je m’apprête à prendre ma retraite de cette merveilleuse organisation, j’espère que d’ici 2038, la richesse de nos connaissances sur les nombreux services écosystémiques fournis par le milieu de la conservation inspirera la coopération nationale et internationale en vue de maintenir et de restaurer la biodiversité. Même s’il ne sera pas facile de réaliser cette vision, je suis convaincu que nous avons la capacité d’en faire une réalité.


MILIEUX HUMIDES
Melanie Deslongchamps
Gestionnaire des opérations provinciales pour le Québec, CIC
CIC est un acteur clé de la protection de la nature pour la santé de la population canadienne. Avec ses partenaires, CIC veillera à ce que les habitants des grandes villes canadiennes disposent d’espaces verts accessibles à des fins récréatives dans un rayon de 500 mètres autour de leur domicile ou de leur bureau. Que ce soit par la création d’infrastructures vertes de gestion des eaux pluviales contrant les inondations et filtrant l’eau ou celle de milieux humides pouvant servir de réservoirs d’eau pour les terres agricoles aux alentours en période de sécheresse, par la préservation des milieux humides au coeur des quartiers pour rétablir la nappe phréatique ou celle de territoires plus vastes et de corridors écologiques pour la faune, tous nos projets de conservation et de restauration visent à atténuer les effets des changements climatiques et à lutter contre le déclin de la biodiversité.

SAUVAGINE
Adam Putnam
Chef de la direction de Ducks Unlimited, Inc.
Ce qui a commencé il y a 85 ans par l’inquiétude partagée de quelques chasseurs est devenu aujourd’hui l’un des piliers fondamentaux du modèle nord-américain de conservation de la faune. D’ici quinze ans, notre mission de conservation s’étendra bien au-delà de la communauté des chasseurs de sauvagine et s’inscrira dans les fondements des communautés de tout le continent.
DU compte des millions de sympathisants passionnés et une liste croissante de partenaires dans tous les grands secteurs d’activité qui reconnaissent la valeur de l’habitat que nous nous efforçons de protéger. Les projets en faveur de la sauvagine seront de plus en plus considérés comme des projets au bénéfice des humains. Cette évolution nous permettra de demeurer des gardiens responsables à l’égard de nos espaces naturels pour la prochaine génération.


PHILANTHROPIE
Tod Wright
Président sortant de CIC, donateur du Conseil du président de CIC
A l’approche de notre 100e anniversaire, je souhaite que les amis de CIC se posent la question suivante : quel héritage puis-je laisser pour poursuivre la mission qui était si importante pour moi dans mon engagement chez CIC? Il y a cinq ans, j’ai appris que j’avais un mélanome métastasé, le même cancer qui avait tué mon frère 20 ans auparavant. Cela m’a amené à réfléchir sérieusement à ce que pourrait être mon héritage environnemental, à la manière dont je pourrais faire une différence chez CIC qui perdurerait longtemps après mon décès.
Bien des années auparavant, je m’étais inscrit pour un modeste don en héritage à la Feather Society. J’ai décidé d’accroître mon engagement à faire une différence importante sur le coteau du Missouri en Saskatchewan, mon second chez-moi chaque automne. Cette décision m’a apporté une grande tranquillité d’esprit, sachant qu’une partie de moi continuerait à vivre au profit de la faune et de la flore de cet endroit. Comme mon vieil ami et mentor, le président de Ducks Unlimited Inc. Hazard Campbell, aimait à le dire, « la conservation, sans les fonds, n’est qu’une conversation ».

ÉDUCATION À LA NATURE
Shannon Lavigne
Professeure, responsable du Centre d’excellence des milieux humides
Je pense qu’à l’avenir, grâce à une meilleure compréhension de la corrélation entre notre environnement et notre qualité de vie, l’éducation à la nature deviendra encore plus cruciale. Les excursions de CIC dans les milieux humides aident nos jeunes à comprendre le rôle essentiel que jouent celles-ci dans l’atténuation des changements climatiques et la protection contre les inondations qui en découlent.
Notre mission, dans le cadre du projet de classe en plein air à l’école secondaire de Bathurst, est simplement de permettre aux élèves d’apprendre dans la nature. La protection de l’environnement commence par l’appréciation et, trop souvent, nos jeunes n’ont pas assez d’occasions d’être simplement « dans la nature ». Il est tellement important pour notre santé mentale de se déconnecter de temps à autre et de prendre le temps d’admirer, d’écouter, de sentir et d’apprécier la beauté qui nous entoure.
J’ai eu de nombreux moments dans ma vie où j’ai dû m’arrêter pour apprécier ce que je voyais; chaque fois, c’était dans la nature. Les montagnes, les arbres, le chant des oiseaux, je me surprends même à changer de route pour aller à l’école afin d’apercevoir l’eau. C’est un bonheur tout simple.

CARRIÈRES EN CONSERVATION
Fares Mandour
Conseil consultatif de la jeunesse
CIC et, plus globalement, les carrières en conservation doivent continuer à cultiver l’interdisciplinarité. En tant qu’étudiant en urbanisme environnemental, j’ai appris qu’il était important de prendre en compte les trois piliers de la durabilité : social, économique et environnemental. Le moyen d’y parvenir — ce que CIC fait, à mon avis — est de s’appuyer sur la communauté.
La meilleure façon de passionner les gens pour quelque chose est de les aider à s’identifier au problème. Je me demande toujours comment cette approche peut être appliquée dans les espaces urbains, où les gens peuvent être déconnectés de la nature, surtout si l’on considère que c’est là que vivent la plupart des Canadiens (moi y compris). Je pense qu’en se concentrant sur les aspects sociaux et économiques de la conservation, les villes seraient plus enclines à amplifier cet important travail de conservation.
J’espère que CIC continuera à appliquer une approche de la conservation qui intègre la durabilité comme élément clé de son avenir en tant qu’organisation, tout comme moi-même dans le cadre de mes futures recherches universitaires. En recrutant du personnel aux origines et aux connaissances variées, et en impliquant les jeunes, notamment par le biais du Conseil consultatif de la jeunesse, CIC continuera d’être un pilier et un moteur pour les approches durables et interdisciplinaires de la conservation.
L’ESPOIR À L’HORIZON
En tant que chef de file dans le domaine de la conservation, nous avons la possibilité — et la responsabilité — de tirer parti de la puissance de la nature pour assurer une économie prospère et de trouver des solutions qui protègent nos actifs environnementaux les plus vulnérables et les plus précieux, ainsi que des solutions qui reconnaissent et respectent les connaissances traditionnelles de la terre et de tout ce qui y vit.
C’est pourquoi nous nous engageons à atteindre un objectif ambitieux : conserver, restaurer et mettre en valeur plus de 15 millions d’acres d’habitats naturels à travers le Canada cette année, en augmentant notre impact au niveau du paysage grâce à l’un de nos objectifs annuels les plus importants à ce jour.
Ensemble, nous contribuerons à préserver l’eau, les milieux humides et la faune pour les générations à venir.