Cet été, beaucoup de cueilleurs sont venus jouer dans mes talles de petits fruits préférés. D’autres encore ont même failli découvrir mes talles de champignons. Or, dans le cas des talles de champignons sauvages, chaque cueilleur est de trop. Si vous récoltez vous même des champignons, vous savez ce que je veux dire.
La pandémie a changé la relation entre l’humanité et la nature. Ceux et celles qui n’avaient aucun lien étroit ou régulier avec le plein air se sont soudainement plongés dans la nature. À la recherche du confort, de la résilience et de l’autonomie pendant la COVID-19, ils se tournent vers la nature. Sans vouloir plaisanter, les fervents et les ardents défenseurs de la nature comme moi devraient plutôt être reconnaissants d’avoir tout à coup de la compagnie.

En quête de tout, de la levure à la créature
En avril, nous étions attentifs aux changements de discours sur la chaîne logistique : les pénuries de papier de toilette cédaient la place aux pénuries de levure. Google Trends a constaté tout l’intérêt porté au terme de recherche « levure de boulangerie », qui avait gagné 500 % dans les résultats de recherche par rapport à la même période l’an dernier. Pendant un temps, il y a donc eu moins de brioches à la cannelle maison dans ma cuisine. Ma famille a survécu à cette « carence de sucre », qui a été une rude épreuve pendant un certain temps.
D’autres données de recherche donnent lieu à des anecdotes intéressantes pendant la pandémie. Curieusement, les Canadiens ont cherché le terme « teinture pour animaux » beaucoup plus souvent cette année que l’an dernier. C’est bien la preuve que les gens ont plus de temps pour eux.

Mais hormis les caniches surmontés d’un chignon mauve, d’autres tendances naissent de la volonté de s’occuper de soi et de communier avec la nature quand on souhaite tout faire soi-même. Les Canadiens ont donc tapé les termes comme « comment chasser », « apprendre à pêcher » et « cueillir ».
« Quand le Canada a été frappé de plein fouet par la pandémie, nous avons eu tout à coup beaucoup plus de temps pour nous, et j’ai un peu exagéré », confie Michelle Trudeau, fervente de la pêche à la ligne comme moi longtemps avant la COVID-19; or, ce sont des gens comme elle qui expliquent que l’on s’est intéressé de plus en plus, dans les recherches, à des termes comme « comment jardiner » quand le beau temps s’est pointé le bout du nez.
L’été venu, les comptes de Michelle Trudeau sur les réseaux sociaux étaient inondés de photos de jardins, et les repas familiaux étaient loin des commandes à emporter et des listes de produits d’épicerie.
« Ce qui m’a apporté le plus de satisfaction, c’est planifier tout un repas essentiellement à partir de produits que nous avions nous-mêmes cultivés et récoltés », s’exclame-t-elle.
La preuve irréfutable
Sur la table familiale, Michelle Trudeau a souvent servi le doré jaune qu’elle venait de pêcher avec les légumes de son potager, et elle a probablement eu un peu de compagnie cette année sur la rive du lac quand les débutants se sont mis à s’équiper pour la pêche, au lieu d’apprendre à pêcher en ligne.
« Cette année, les ventes de matériel de pêche ont monté en flèche, surtout le matériel offert à des prix d‘entrée de gamme », explique Andrew McPherson, président de Continental Sports Inc., important distributeur grossiste canadien de matériel de pêche, de chasse et de plein air.
Mes propres recherches (« chaque fois que j’essayais d’acheter des sangsues pour pêcher le doré jaune ») confirment que les produits vendus sur les étagères — et dans les frigos d’appâts —ont monté en flèche. Il va de soi que les ventes ne sont pas seules à expliquer que les rayons des magasins soient vides. La fabrication du matériel de pêche, comme tant d’autres activités, a été ralentie par la fermeture des usines, par les impératifs de distanciation et par les problèmes de livraison.
Or, McPherson nous apprend que les détaillants d’accessoires de pêche se tirent bien d’affaires en 2020 et qu’il est évident que la pêche est de plus en plus populaire. « Nos clients nous le confirment : les affaires vont bon train, et les cales de mouillage sont plus achalandées que jamais. »
Providing for ourselves has made me feel safe from the craziness happening all around us
Notre quête d’autonomie et notre volonté d’améliorer notre état de santé
Les craintes nourries par le virus, des pénuries dans les chaînes logistiques et le surplus de temps que nous avions ont été les sources d’inspiration qui nous ont amenés à revenir à l’essentiel — en découvrant tous les bienfaits des jardins, des lacs, des terrains de chasse et des talles secrètes de champignons transmis depuis des générations.
« Subvenir à mes besoins m’a réconfortée dans toute la folie qui nous entoure, lance Michelle Trudeau. C’est bête, mais j’ai l’impression que l’on peut survivre à tout, à la condition de vivre de la terre. »
Elle confie que ce qu’elle récolte dans la nature lui apporte aussi des bienfaits pour sa santé.
« Ma famille a renoncé à des habitudes de vie qui n’étaient pas vraiment saines et est aujourd’hui plus en santé qu’elle l’a été depuis bien des années », dit-elle. De plus, en participant à toute la chaîne de la production agricole, à partir des semences jusqu’à la récolte, j’ai pu préserver ma santé mentale pendant cette crise mondiale. »
Étant moi-même mère de famille, je tiens à préciser que la découverte du plein air m’a permis de combler le vide créé par l’annulation des cours et des activités — et qui est trop facilement comblé par le temps que l’on passe devant les écrans d’ordinateur. Et comme fervente de la chasse, je tiens à préciser que rien n’est aussi satisfaisant que récolter des provisions d’aliments sains. »
« Quand j’ai commencé à voir les photos des rayons de viande vides dans les supermarchés, je n’étais pas très inquiet, puisque j’adore manger, en bonne compagnie, de la viande et du poisson sauvages, lance Andrew Rochon, chef, guide de chasse en pourvoirie et coordonnateur des communications et de la liaison à Habitat faunique Canada (HFC). Être chasseur et pêcheur est un excellent moyen d’être « locavore », puisqu’on sait exactement d’où viennent les protéines consommées et qu’on peut offrir à sa famille des protéines organiques à la fois saines et exceptionnelles. »
Il est évident qu’Andrew Rochon n’est pas un chasseur débutant. Or, il a trouvé cette année l’inspiration qui lui a permis de chasser encore plus. Le printemps dernier, il a aussi emmené son beau-fils chasser son premier dindon.

Ce que l’on récolte dans la nature favorise la conservation
À la différence de la pêche à la ligne, ce n’est pas parce que l’on s’intéresse de plus en plus à la chasse qu’il y aura cette année de nouveaux chasseurs au Canada : en effet, la plupart doivent d’abord suivre un programme de formation à la chasse, et ces programmes n’ont pas pu être offerts à grande échelle à cause des restrictions imposées pendant la COVID-19 dans les rassemblements en présentiel.
Si la chasse a plus d’adeptes, c’est plutôt parce que les anciens chasseurs ont renoué avec leur sport et que des gens comme Andrew Rochon avaient plus de temps à consacrer à leurs loisirs. En Ontario, il s’est vendu cette année 4 497 permis supplémentaire de chasse au dindon sauvage (soit une hausse de 8,5 %), et selon le Service canadien de la faune, les ventes, dès le premier mois de la saison, du permis de chasse aux oiseaux migrateurs considérés comme du gibier et de timbres sur la conservation des habitats fauniques du Canada (couramment appelés les timbres de canard) ont légèrement augmenté. Ce timbre, obligatoire pour chasser la sauvagine partout au Canada, permet de financer la conservation par l’entremise d’Habitat faunique Canada, qui a ainsi réuni, depuis 2019, un total de 55 millions de dollars, ce qui a permis de financer 1 500 projets d’habitat en collaboration avec des organismes comme CIC.
Il faut toutefois noter que ces permis ont été vendus exclusivement aux Canadiens.
« En moyenne, au moins 20 000 chasseurs américains viennent chaque année au Canada pour chasser [la sauvagine] et achètent leur timbre, explique Andrew Rochon. C’est ainsi qu’ils versent 8,50 dollars à HFC pour chaque permis de chasse aux oiseaux migrateurs considérés comme du gibier; HFC investit ensuite cette somme dans les projets de conservation d’un océan à l’autre. »
En 2020, le nombre de chasseurs américains au Canada sera plus proche de zéro, ce qui nous privera d’environ 170 000 dollars dans le financement de la conservation. Il est donc encore plus crucial pour certains d’entre nous, de faire de notre mieux.

Premièrement, Andrew Rochon nous apprend que cette année, certains chasseurs canadiens, fidèles à l’esprit du chasseur-conservationniste, achètent deux timbres de canard. On peut donc compter sur moi pour acheter un autre timbre de 8,50 dollars.
Surtout, il n’y a jamais eu de meilleur moment pour participer à l’intérêt renouvelé dans nos collectivités de chasseurs, de pêcheurs et de cueilleurs. On peut même esquisser un sourire quand un étranger surgit dans nos talles de chanterelles.
La science est derrière ces nouvelles découvertes, ce qui est une occasion en or pour tous ceux et celles qui adorent le plein air. En effet, plus il y a de gens qui apprennent à apprécier tout ce que la nature leur offre — quand ils ont le temps de vraiment y être attentifs — , plus on pourra compter d’amis dans le combat incessant que nous menons pour protéger la nature.
Carolyn Kosheluk est spécialiste des médias numériques de CIC; elle passe ses loisirs à chasser le gibier, à pêcher le poisson et à récolter des aliments dans la nature. Au moment d’écrire ces lignes, elle rêvait de sa prochaine excursion à l’automne : chasser l’orignal sur les rives d’un lac de la forêt boréale du Manitoba.
En quête d’autonomie
Les sujets des recherches sur Internet au Canada en avril 2020 par rapport à 2019 :
- « Comment chasser » : les recherches ont triplé.
- « Apprendre à pêcher » : les recherches ont monté de 70 %.
- « Comment jardiner » : les recherches ont plus que doublé.
- « Fourrage » : les recherches ont doublé.
DES RESSOURCES
Nous encourageons tous ceux et celles qui le peuvent à profiter du plein air et à découvrir les milieux naturels que nous conservons — et nous sommes fiers d’offrir ces ressources.
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