Garder les terres hydratées

L’éternel retour des feux de forêt saisonniers

Ce n’était pas la première fois que le feu menaçait le ranch Haywood-Farmer. Cet élevage bovin familial occupe des prairies et des crêtes de montagnes sur le territoire traditionnel des Secwépemc, dans le centre-sud. À peine deux ans plus tôt, la famille avait dû affronter une épreuve très difficile quand le brasier de Tremont Creek avait dévasté la région.

« Malgré tous nos efforts, nous avons malheureusement perdu du bétail dans l’incendie, se remémore Andrea Barnett, spécialiste de la conservation à Canards illimités Canada et membre de la famille Haywood-Farmer. Les infrastructures de parcours naturel y sont aussi passées : les clôtures, les corrals et les installations hydriques. Nous avons été chanceux de ne pas perdre de bâtiments, mais nos pertes ont été considérables parce que la majorité de notre grand parcours a brûlé. »

Et la levée de l’état d’urgence n’a pas signalé la fin des pertes.

Les rancheurs victimes de l’incendie se sont retrouvés d’un seul coup à devoir mettre la main à la poche pour leur bétail. Parmi ces coûts imprévus à combler, il fallait « payer pour l’alimentation, pour le transport des troupeaux et pour une partie des infrastructures dévastées », dit Barnett, en ajoutant que les gouvernements fédéral et provincial avaient apporté une aide essentielle pour surmonter la catastrophe. Comme de nombreux pâturages restaient inutilisables l’année suivante, il a fallu déplacer le bétail. Ajoutons des pertes plus générales comme les arbres de forêts aménagées destinés à devenir du bois d’œuvre.

« L’année de l’incendie, la faune et la flore se sont réduites comme peau de chagrin, se rappelle Barnett. Deux ans plus tard, certains signes encourageants de reprise étaient visibles. Des populations d’ongulés sont en hausse, comme l’orignal. Plusieurs espèces aviaires, comme le piranga à tête rouge et le pic à dos rayé, se portent bien, tandis que la sauvagine est aussi nombreuse qu’avant. »

Sécuriser les terres à l’heure de la crise climatique

L’ampleur des tempêtes, des inondations et des feux de forêt qui frappent le Canada d’un bout à l’autre soulève de vives inquiétudes, car le coût écologique, social et économique de ces désastres croît sans cesse. Mais nous pouvons aussi y voir l’occasion de nous ressaisir et de modifier nos comportements envers la nature. Sans précédent, les investissements actuels des secteurs public et privé canadiens en environnement offrent des occasions uniques de collaborations généralisées vers des moyens naturels de relever les défis écologiques.

La priorité est de garder les terres bien hydratées. En plus d’être moins à risque de brûler, les sols riches en eau ralentissent la progression des flammes, alimentent les pompiers, servent de refuge pour la faune et le bétail, et fournissent en ressources les initiatives de rétablissement après-incendie. Ces milieux humides, étangs et canaux servent aussi à atténuer la gravité des inondations lors d’événements climatiques extrêmes.

« Nous avons besoin d’une approche axée sur les écosystèmes, qui place la santé de bassins versants et les milieux humides au cœur des actions. C’est important de garder les terres bien hydratées pour combattre les feux de forêt, mais aussi pour bien se préparer et réagir aux sécheresses comme aux inondations », dit Barnett.

« Investir dans l’infrastructure aquatique, c’est se donner la chance d’atteindre tellement d’objectifs, qu’il s’agisse de gestion des feux de forêt ou non, d’application de solutions naturelles aux changements climatiques ou de domaines comme l’agriculture, la faune et la flore en général, les loisirs, la santé humaine et la sécurité publique. La valeur de tels investissements est incommensurable. »

Une approche holistique de la lutte contre les feux de forêt

Barnett vit dans un milieu aujourd’hui mieux préparé aux feux de forêt, mais elle croit que « des changements systémiques d’ensemble doivent encore être apportés pour rendre les terres vraiment résilientes. »

Elle ajoute : « La communauté autochtone voisine de Skeetchestn, avec laquelle nous entretenons une merveilleuse relation, tente de montrer la voie depuis des années. Des méthodes que les Premières Nations emploient depuis des millénaires, y compris les brûlages dirigés, la gestion des débris et l’intendance des milieux humides, peuvent être réunies au sein d’une approche holistique de lutte contre les incendies qui donnera les meilleurs résultats pour protéger les terres et les vies humaines ici. »

Barnett est encouragée. « Même si l’avenir proche sera difficile, nous avons observé des gains écosystémiques réels à la suite de l’incendie, notamment sur le plan de la production de fourrage, dit-elle. Après tout, cet écosystème qui a besoin du feu pour prospérer y avait été trop peu exposé depuis un siècle. »

Investir dans les infrastructures des milieux humides

En Colombie-Britannique, les milieux humides existent souvent pour des raisons de stockage d’eau, si nécessaire dans les régions sèches de l’intérieur. CIC administre plus de 600 projets d’infrastructures de milieux humides sur tout le territoire de la province. S’assurer du bon état de ces infrastructures est essentiel à la saine gestion à long terme des incendies.

Avec le temps, les processus naturels, les événements climatiques et la présence animale et humaine peuvent tous finir par réduire l’efficacité de ces projets pour atténuer la gravité des inondations, des sécheresses et des feux de forêt. Si nous voulons qu’ils continuent de remplir leur fonction, des investissements importants, des partenariats et une bonne réglementation seront toujours nécessaires.