Triompher de l’obstacle des langues
Difficile d’en montrer à un biologiste de CIC quand il s’agit d’identifier la sauvagine. Or, un groupe d’Inuvialuit est passé bien proche d’y arriver.

Un jour, des résidents du hameau d’Ulukhaktok, dans les Territoires du Nord-Ouest, ont raconté à ce biologiste, qui visitait la région, avoir vu sur un plan d’eau un canard qui s’envolait subitement vers le haut. Ils l’ont appelé — fort à-propos — le canard planeur. Après maintes consultations et en demandant l’avis d’autres résidents, Jeffrey Ball, biologiste et spécialiste des oiseaux de l’Arctique, s’est rendu compte qu’il s’agissait en fait d’un canard colvert.
Cette anecdote explique bien l’importance d’un projet qui permettra à CIC de triompher de l’obstacle des langues pour mieux collaborer avec les peuples autochtones. Les résidents de la région désignée des Inuvialuit, qui comprend le hameau d’Ulukhaktok, peuvent désormais consulter un guide d’identification des oiseaux aquatiques qui a été traduit de l’anglais — avec le concours des membres de leur communauté — dans les trois dialectes parlés dans la région.
Ce projet a été commandité par CIC, Océans Nord Canada et le Conseil Inuvialuit de gestion du gibier, qui s’occupent tous de la protection des oiseaux et de leur habitat. Ensemble, ils ont collaboré, avec le Centre de ressources culturelles inuvialuit, à la traduction et à la révision du guide.
« Ce guide porte essentiellement sur les oiseaux qu’on trouve dans les habitats des milieux humides et les écosystèmes proches du littoral, qui constituent tous, du point de vue de la conservation, des zones d’intérêt pour les partenaires de ce projet », nous apprend M. Ball, qui a travaillé comme biologiste dans le cadre du Programme boréal national de CIC et qui est aujourd’hui au service d’Environnement et Changement climatique Canada.
Ce guide permettra également à CIC et à Océans Nord Canada de mieux travailler avec les Inuvialuit, qui ont le droit, en vertu de la loi, de gérer le territoire dans leur région désignée. Ce territoire comprend des habitats essentiels pour plusieurs espèces de sauvagine migratrice, surtout l’oie et le canard de mer, dont certaines inquiètent vivement les conservationnistes.

©CIC
« Ce guide facilitera le dialogue et l’intervention, ce qui permettra de promouvoir la conservation de la sauvagine et de ses habitats, explique M. Ball, en précisant qu’il y a aussi des avantages culturels. Il favorisera la communication entre les générations et permettra de préserver les dialectes locaux essentiels à leur culture. »
Ce guide regroupe 46 espèces, soit aussi bien les eiders à tête grise, qui passent l’hiver dans la mer de Béring et dans la mer des Tchouktches au large du littoral de l’Alaska et de la Russie, que les cygnes siffleurs, qui peuvent parfois se rendre jusqu’au Mexique pour hiverner. Il s’agit des 46 espèces que les résidents peuvent apercevoir dans l’Arctique ou qu’ils pourraient bientôt croiser en raison du changement climatique.
« Le canard planeur était un mystère amusant à résoudre et a sans aucun doute permis de nouer des liens étroits. Mais il nous a aussi donné du fil à retordre, confie M. Ball. Grâce à ce guide d’identification, CIC peut désormais dialoguer en connaissance de cause, avec les collectivités, sur les questions de science et de conservation, en employant les bons termes pour désigner les canards. »