C’était comme si elle était arrivée sur un plateau de tournage…
Quand Brooke Forbes, spécialiste des programmes de conservation de CIC, a mis les pieds pour la première fois sur l’exploitation agricole Baker, c’était comme si le réalisateur d’un film avait lancé, juste au bon moment, « Faites entrer l’orignal! ». Une femelle orignal a surgi et a pour ainsi dire présenté spectaculairement la propriété. C’était le début d’une relation qui allait amener Terry Baker et sa famille à céder une servitude sur 125 hectares de prairies dans le cadre du programme des servitudes de conservation agricoles de CIC.
Le paradis de la sauvagine
« Brooke pourra tout vous dire sur la faune », lance Terry Baker, rayonnant. Son enthousiasme est évident, même au téléphone.
En tant que membre du personnel de CIC responsable de la réalisation de notre programme de protection de l’habitat dans la région de North Battleford, Brooke Forbes a accompagné les Baker dans tout le processus de concession de cette servitude, qui protège désormais en permanence cet habitat naturel. Après avoir fait le tour complet de la propriété, elle reprend en écho l’idée que se fait Terry Baker de la valeur de cette terre pour la faune et la sauvagine : « Ces parcelles répondent essentiellement à ce que nous recherchons dans une servitude ».
L’exploitation agricole Baker est aménagée dans la zone cible de CIC à Cactus Lake dans l’Ouest de la Saskatchewan, à environ 145 kilomètres au sud de North Battleford. La propriété familiale comprend, en parts sensiblement égales, des pâturages et une terre cultivée à l’année.
La prairie indigène et les milieux humides entremêlés de pâturages hébergent de nombreuses espèces fauniques. Dans une région où les pâturages sont de plus en plus convertis en terres cultivables à l’année, il est absolument essentiel de préserver ces parcelles.
De pair avec le mariage parfait du couvert vivace et des plans d’eau, la servitude de conservation des Baker se situe au carrefour de trois grands parcours migratoires, ce qui en fait le paradis des amateurs de sauvagine.
D’après les travaux de recherche de CIC sur la productivité de la sauvagine, la propriété Baker appartient à une zone importante, dans laquelle la densité potentielle estimative de la sauvagine, toutes espèces confondues, est comprise entre 132 et 155 couples par kilomètre carré.

Les racines de l’histoire
Si la valeur de l’habitat de ces deux quarts de section (129 hectares) est si exceptionnelle, c’est peu si l’on pense au profond attachement de la famille Baker à ce territoire. Quatre générations de Baker y ont travaillé et joué; cette terre a été exploitée activement par cette famille pendant 112 ans.
« Mon grand-père a aménagé la terre au début des années 1900; mon père l’a ensuite converti en exploitation agricole. Ma femme Nancy et moi sommes venus nous y installer dans les années 1970; c’est ici que nous avons élevé nos deux fils et notre fille. » Et dans un autre remarquable épisode de déjà-vu familial, les enfants de M. Baker ont fréquenté la même école que celle de son père et de sa sœur.
« Quand mon père est décédé, en 2002, nous savions que nous voulions installer un monument commémoratif sur l’exploitation agricole », confie M. Baker. Le père de Terry avait toujours été très fier des prairies et de l’activité d’élevage du bétail : il gardait 300 têtes de bétail alors que la plupart des entreprises locales en avaient à peine le tiers ou moins.
Un site commémoratif a donc été aménagé dans une zone des prairies particulièrement importantes pour la famille Baker. Pendant une modeste cérémonie, on a étendu sur le site les cendres du père de Terry Baker. Deux années plus tard, on a aussi rendu un dernier hommage au demi-frère de son père. Depuis, d’autres membres de la famille ont exprimé le souhait d’en faire un jour le site de leur sépulture.

Préserver le lieu où les racines sont les plus profondes
Quand le personnel de CIC a pressenti Terry et sa famille à propos de cette servitude de conservation, ces derniers savaient que le moment était venu de préserver la terre en permanence et qu’il était urgent de protéger le site commémoratif et le lieu où leurs racines familiales étaient les plus profondes. Cette servitude allait justement permettre aux Baker de rester fidèles à leurs valeurs conservationnistes tout en protégeant une précieuse tradition familiale.
Si une terre comme celle des Baker est de toute évidence riche d’histoire, ceux qui sont attentifs y trouveront aussi les racines de la sagesse. Ce savoir collectif se transmet et se préserve.
« Il y avait, non loin d’un milieu humide, une zone que mon père cultivait dans les années 1950 et 1960; il a finalement décidé d’y laisser pousser l’herbe pour résoudre des problèmes de salinité. Ce problème s’est résorbé; toutefois, nous n’avons jamais recultivé cette bande de terre. Ce pâturage a été jusqu’à maintenant utilisé pour le fourrage. Avant son heure, le père de Terry Baker faisait appel au fourrage pour gérer la salinité; Terry Baker rêve lui-même de créer un jour un site de démonstration pour mettre en lumière toute la sagesse familiale à l’intention des nouvelles générations d’étudiants et d’agriculteurs.
Le profond attachement des Baker à leur terre et à ses habitants pendant toutes ces années est un bienfait à la fois rare et exceptionnel. Fouler le même sol que ses ancêtres permet de se rendre compte avec émotion qu’un parent a, avant vous, été témoin de chaque panorama qui vous a émerveillé et que chaque défi agronomique a été l’objet d’une solution mûrement réfléchie.
En décidant de préserver aujourd’hui leur propriété, les Baker, en plus d’en protéger les caractéristiques écologiques et culturelles pour les générations futures, perpétuent la sagesse et les valeurs collectives des membres de la famille qui les ont précédés.
Et c’est vraiment un grand motif de fierté.
Le Programme de conservation du patrimoine naturel
Sur l’exploitation agricole des Baker, cette servitude de conservation a été financée par le gouvernement du Canada dans le cadre du Programme de conservation du patrimoine culturel, qui fait partie du Fonds de la nature du Canada. La protection de cet habitat permet de réaliser l’objectif du gouvernement, soit préserver 25 % du territoire canadien d’ici 2025, tout en rehaussant la biodiversité et en venant à la rescousse des espèces en péril.