Histoire de cartes, d’exploits et d’apprentissage machine

La révolution technologique

Les progrès technologiques ont amélioré tous les aspects de la cartographie. Les coûts d’obtention et d’analyse des données ont chuté d’environ 75 % grâce aux instruments commandés à distance comme les drones et la puissance des logiciels d’apprentissage machine comme ceux d’analyse d’images orientée objets. Si on ajoute la baisse des coûts de stockage des données, on comprend que l’évolutivité et la répétabilité sont devenues possibles en cartographie.

L’analyse spatiotemporelle – l’étude des changements dans la durée – est particulièrement précieuse pour surveiller les milieux humides saisonniers et temporaires qui forment des habitats critiques, mais aussi pour établir d’autres points de données pouvant nous aider à comprendre les effets réels des changements climatiques sur les bassins versants ou ceux, potentiels, du développement sur les routes migratoires, surtout en zone éloignée comme la forêt boréale. Ce qui nous amène à une autre innovation majeure : la standardisation des données et des logiciels libres qui rendent possibles des collaborations clés en matière de conservation et de partage des connaissances.

L’importance de cartographier les milieux humides

Les milieux humides fournissent une panoplie de « services écosystémiques » : atténuation des inondations, des sécheresses et des feux de forêt, filtration de l’eau, séquestration du carbone, et avantages divers pour les habitats naturels et les loisirs humains. Les cartes contribuent au classement des milieux humides (voir encadré) et communiquent des informations sur les taux d’humidité, l’hydrodynamique, la densité en carbone, les niveaux de nutriments et plus. En outre, chose cruciale quand on songe que jusqu’à 70 % des milieux humides dans le sud du Canada ont été perdus, elles aident à suivre la trace des efforts de conservation en cours.

Pour s’en occuper (durablement), il faut d’abord le mesurer

Il n’a jamais été facile de mesurer la pleine valeur de ce qu’apportent les milieux humides. Par conséquent, on n’en a guère tenu compte au moment d’arrêter des décisions d’aménagement. Mais les choses changent.

Statistique Canada et Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) se sont associés pour mettre au point le Recensement de l’environnement avec l’aide de Ressources naturelles Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada et Pêches et Océans Canada. Jim Brennan, directeur national des relations avec les gouvernements et le secteur privé de CIC, a été nommé président du comité consultatif national externe de Statistique Canada. Le but du recensement est de produire le premier registre pancanadien des écosystèmes, dans lequel la taille et l’état des milieux humides, des zones côtières, des forêts urbaines et autres feront l’objet d’un suivi dans la durée.

Le catalogage de ces écosystèmes constitue un pas important vers des décisions fondées sur des données probantes pour protéger, régénérer, renforcer et pérenniser l’environnement. Plus on comprendra les rapports complexes entre les écosystèmes, d’une part, et l’économie, la société et la santé humaine, de l’autre, et mieux l’on pourra développer le cadre d’analyse qu’il faut pour savoir si le Canada atteint ses buts et pour se donner un avenir plus viable.

Un projet cartographique qui « avait tout pour lui »

Jamie Kenyon, responsable des relations avec les gouvernements et le secteur privé pour CIC dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, a participé à la cartographie de la région d’aménagement de Dawson (45 000 km2), un chantier d’une décennie qui s’est conclu en 2021.

Il se rappelle les difficultés à cartographier un terrain inhabituel, celui de la taïga de la cordillère et de la cordillère boréale. Les particularités de ces écorégions modifiaient les caractéristiques de la circulation de l’eau au-dessus et en deçà de la surface. L’épaisseur du pergélisol, par exemple, gênait le drainage et favorisait la formation de milieux humides dans des endroits inattendus.

« Ce projet avait tout pour lui, note Kenyon : un paysage à couper le souffle, la chance de peaufiner nos méthodes de classement des milieux humides dans une région unique où CIC n’avait jamais œuvré, la possibilité de mettre à l’essai de nouvelles technologies et, surtout, l’occasion de nous associer à des collaborateurs aussi passionnés que nous chez les Tr’ondëk Hwëch’in et à ECCC. »

CIC a livré ses cartes en mains propres en 2021. À cette occasion, les Tr’ondëk Hwëch’in y sont allés d’une présentation pour le personnel de la Dawson Land Use Planning Commission. Depuis, un plan régional d’aménagement a franchi beaucoup d’étapes dans un objectif d’aménagement durable et de conservation. Les cartes produites servent dans le cadre des évaluations environnementales locales.

L’équipe de CIC a créé une série de vidéos d’information pour transmettre ses nouveaux savoirs sur les milieux humides et le pergélisol, mais aussi pour faire comprendre la valeur des cartes créées pour les résidents de la région. Les connaissances tirées de la cartographie de l’écozone ont déjà été appliquées à d’autres initiatives cartographiques, comme le projet d’aire protégée et de conservation autochtone des Dene K’éh Kusan dans la région des Kaska, dans le nord de la Colombie-Britannique. Ce n’est pas la seule.

Avoir cartographié 25 % du territoire boréal, c’est un exploit, mais c’est surtout la preuve que nous pouvons à la fois approfondir notre connaissance des milieux humides et prendre soin de ces magnifiques paysages, une carte à la fois. Au rythme où progressent les technologies, nous pourrons même faire plus, plus rapidement.

La Fondation RBC, via Techno nature RBC, assume une partie des coûts du programme de cartographie par SIG de Canards illimités Canada.

Les catégories de milieux humides

On classe habituellement les milieux humides dans l’une ou l’autre de ces quatre catégories : tourbières, fens, marais et marécages. Au fil des ans, CIC a développé un système amélioré de classement des milieux humides qui divise ces catégories en 19 sous-catégories. Plus de détails au canards.ca/milieux-humides